presse - Corot - Le Parisien

Le peintre Corot revit sur scène. Monter au théâtre la vie du peintre Jean-Baptiste Camille Corot... Non seulement l'initiative n'était pas commune mais elle était osée. Voilà le genre de mise en scène, se disait-on, qui ne souffre pas la moyenne.

Soit c'est la formule minimale — un personnage, une chaise en paille et une scène vide —, soit la Grosse Bertha budgétivore façon Robert Hossein. C'était compter sans ce vieux briscard de Jean-Laurent Cochet qui propose au Théâtre 14 à Paris, tout près de la porte de Vanves, une formule intermédiaire tout à fait réussie. Certes, il y a du monde sur scène : trente-deux acteurs, dont Cochet et ce n'est pas rien. Certes, les lumières sont conduites par une star des éclairages, Jacques Rouveyrollis. Certes les costumes, superbes, reprennent à l'identique ceux des modèles de Corot (la reconstitution, notamment, de la robe de « la Dame en bleu » est époustouflante). Et certes, enfin, il a fallu mobiliser les services de studios spécialisés pour des décors qui, s'ils ne font pas dans l'invention, font au moins dans l'efficace. Déjà un succès. Mais tout ceci ne contribue jamais à faire assaut de démesure. On aime au contraire le fond de modestie qui s’en dégage et qui vient servir pile poil un texte alerte et percutant écrit par Jacques Mougenot. Débutée il a une dizaine de jours, la pièce est déjà un succès. C'est plein, on y rit et on applaudit à la fin longuement et chaleureusement. Jean-Laurent Cochet compte pour beaucoup dans ce triomphe. L'acteur et metteur en scène, qui campe le père de Corot, puis Corot à l'âge mûr et pour finir Corot à la fin de sa vie, emballe d'entrée la machine avec une façon de jouer nourrie d'une bonne dose d'humour et surtout d'une grande tendresse. Certaines répliques lui fournissent au passage matière à quelques effets trampoline. « Fais-nous ton portrait, dit le père de Corot à son fils. Si c'est réussi on saura qui en est l'auteur ; si c'est raté, on saura qui est le modèle ! » Mais dans cette affaire il n'y a pas que Cochet. Toute la troupe est à la hauteur de l'entreprise et ce « Corot » fournit la preuve qu'on peut faire, aujourd'hui, un théâtre qui rassemble tous les publics en leur faisant partager le même plaisir.

Pierre Vavasseur
Le Parisien, 27 septembre 1996

Pièce concernée: 
Corot
Nom du media: 
Logo du média: