presse >Corot

Vevey Hebdo

Rien, à première vue, dans la biographie de Camille Corot, ne semblait prédisposer le grand paysagiste français à devenir un personnage de théâtre.

Ce n'est donc pas sans curiosité que je me suis rendu, mercredi 21 janvier, au Théâtre de Vevey, où le «Théâtre 14», de Paris, avec le grand acteur Jean-Laurent Cochet, à la tête d'une troupe de trente-deux comédiens, nous a fait passer – disons-le d'emblée – une soirée merveilleuse. La vie de Camille Corot (1796-1875), à la différence de tant d'autres artistes du XIXe siècle, se distingue surtout par son absence de tout élément dramatique ou tragique. Pas d'amours tumultueuses et agitées, pas de malheurs, une existence sans soucis financiers, sans révoltes, sans passions extravagantes, sauf une : la passion de peindre, qui a empli sa vie jusqu'au dernier jour. Mais là encore Corot n'a pas connu, dans sa vocation de peintre, les doutes paralysants ni les affres de la création. Il peignait des tableaux un peu comme un pommier donne des pommes. Vous vous demanderez alors avec quoi Jacques Mougenot a meublé sa pièce? Quel a donc été son matériau, et où est-il allé puiser de quoi divertir son public durant près de trois heures? Tout bonnement, et c'est assez remarquable, dans le caractère bonhomme du personnage, dans sa convivialité. dans son délicieux humour, son bon sens naturel et dans une simplicité de coeur qui, aux yeux des fonctionnaires et des officiels, en faisait forcément un original un peu naïf. On l'aura compris, avec Corot, Jacques Mougenot a moins écrit une comédie de situations qu'une chronique théâtrale, en se réclamant du genre qu'avait pratiqué avec talent Sacha Guitry, par exemple, dans son La Fontaine, son Pasteur, son Mozart à Paris. Du grand acteur-auteur, il a retrouvé la légèreté, l'élégance, le brio spirituel. Pas une lourdeur, pas une faute de goût dans son Corot que soutient de bout en bout une sorte de jubilation. Le succès d'une telle chronique tient évidemment beaucoup de l'interprète qui joue le rôle principal. La pièce étant, en l'occurrence, divisée en trois parties, le jeune Corot de 25 ans, le Corot de 50 ans, puis de 75 ans, le rôle du peintre a été joué par deux acteurs: l'auteur (également excellent comédien) pour la jeunesse, et l'admirable Jean-Laurent Cochet pour les périodes ultérieures. Finesse et rondeur Mougenot avait l'élan et la verve du peintre débutant, tandis que Jean-Laurent Cochet incarnait avec finesse, avec un subtil humour, mais aussi avec rondeur, la maturité de l'artiste, son charisme, sa générosité qui allait jusqu'à signer les croûtes de jeunes peintres dans la dèche. Certaines scènes auraient pu tomber dans la pédanterie: par exemple quand Corot exprime devant ses jeunes disciples son credo esthétique et son amour de la nature, des arbres, des prairies françaises ou des paysages italiens. L'auteur et l'acteur y tombent si peu que l'un des moments les plus émouvants du spectacle a été celui où, retenant près de lui la très jeune Berthe Morizot, en qui il avait pressenti un vrai talent, Corot lui confie le secret de son art, c'est-à-dire l'importance fondamentale des ciels et celle de la lumière. Surtout la lumière, leçon dont devaient profiter les impressionnistes. Il nous semblait entendre Corot lui-même, sa manière si simple d'exprimer les vérités profondes de son art, telle qu'on la trouve dans ses lettres ou les souvenirs de ses amis. On n'attendra évidemment pas de moi que j'énumère ici les mérites réels et particuliers des trente-deux acteurs incarnant les divers rôles secondaires ou épisodiques de cette vivante et attachante chronique : jeunes peintres, adolescente éprise du jeune rapin, critiques, personnages officiels, etc., sans oublier les parents du peintre, le père du jeune Corot étant lui aussi joué avec truculence par Jean-Laurent Cochet. Notons que les décors et les tableaux ont été conçus par Marie Laurence Gaudrat, et que certains panneaux reproduisaient quelques chefs-d'œuvre du grand paysagiste dont la France a fêté, il y a deux ans, le bicentenaire de la naissance.

A-Louis Burkhaiter
Vevey Hebdo, 30 janvier 1998

Témoignage ACO

Cette pièce est une toile de maître. Une toile de Corot. Et comme une peinture de Corot "ce n'est pas de la peinture, c'est un paysage", on en ressort ébloui. Ébloui par les couleurs.

Le vert des arbres, la petite touche de rose sur le corsage de la femme au bord du lac... Ébloui et songeur, ce lac rappelle à celui qui le regarde, une histoire que l'on croyait oubliée. Enfouie sous les décombres de la mémoire de l'enfance. Les trente-deux comédiens qui composent le paysage de cette pièce forment une troupe d'égal talent. Les décors ont été réalisés par Marie Laurence Gaudrat, peintre qui rend ainsi un double hommage au peintre de génie, celui du verbe et de la peinture. Le personnage de Corot est interprété par l'auteur de la pièce lui-même, Jacques Mougenot. Ce Corot-là semble n'avoir jamais cherché autre chose que la vérité et la liberté à travers son expression. Une belle leçon de création.

Régine Mauconduit
Témoignage / Action Catholique Ouvrière, Octobre - Novembre 1996
 

 

Monde et Vie

Chronique d'une vie pas tout à fait ordinaire puisqu'il s'agit d'un des premiers impressionnistes : Corot. Grande fresque remarquablement illustrée par les décors de Marie Laurence Gaudrat sur un artiste dont la principale qualité à part son talent fut la simplicité.

Modeste, il travailla toujours dans son milieu familial, toujours aussi paisible que ce qui l'inspirait : les formes et la lumière. Rien chez lui du rapin folklorique, tout est ordonné, son comportement personnel, son oeuvre. Et l'auteur a eu grand mérite d'éclairer ainsi la vie d’un homme qui ne voulait pas être autre chose que l'observateur scrupuleux de la nature. Mise en scène soignée de Jean-Laurent Cochet, qui tient également le rôle titre (adultes).

Monde et vie (bimensuel),
24 octobre et 13 novembre 1996
 

 

Lions Club

A l'occasion du bicentenaire de la naissance de Camille COROT, Emmanuel DECHARTRE accueille au Théâtre 14 la comédie de Jacques MOUGENOT qui se présente comme une fresque en trois époques de la vie

du peintre. Dans ce spectacle de grande envergure, Jean-Laurent COCHET s'illustre par une mise en scène étonnante, avec trente-deux comédiens où la biographie mais aussi la mythologie de l'Artiste, tel que sa figure peut être perçue par un dix-neuvième siècle encore conformiste, tout comme la famille du peintre, peu encline à encourager à la vie de bohème, COROT est au centre de l'aventure théâtrale. La mise en scène est à la fois vivante, colorée, dynamique, pointilleuse, comme si cet art, ici, avait eu à rivaliser avec celui du peintre. Les lumières de Jacques ROUVEYROLLIS sont étonnantes dans leur puissance suggestive et leur variété. Le décor et les tableaux de Marie Laurence GAUDRAT sont merveilleusement évocateurs du rayonnement, de l'atmosphère de COROT paysagiste, et la nature, les émotions, les sensations qu'elle peut susciter, sont représentées avec le plus grand bonheur. Dans cet événement, les acteurs constituent chacun un élément important d'un tableau harmonieux, et Jean-Laurent COCHET explose littéralement de vie, d'intelligence du rôle, dans une prestation légèrement extravertie mais d'une justesse de registre remarquable, dans les rôles successifs du père de l'Artiste, et dans celui de l'Artiste lui-même à l'âge de 50 ans. Ce spectacle, dense, original, ressortissant à une vocation culturelle parfaitement dans l'air du temps est à ne pas manquer.

Michelle Reich
Lions Club - Le Journal de l'A.P.J.F.

Le Quotidien du Médecin

Une fresque tout en pastel. Jean-Laurent Cochet a aimé ce texte. Il le met en scène, le joue, entouré de plus de trente comédiens. C'est bel et bon. Très fraternel. Ce théâtre-là vaut d'être respecté.

Il n'est pas arrogant. Il ne joue pas la mode, mais la sincérité. Le metteur en scène, Jean-Laurent Cochet, est l'un des meilleurs défenseurs du théâtre, aujourd'hui. Un grand lettré, un grand pédagogue, un comédien au jeu moiré, subtil et charnu à la fois. Il excelle dans Guitry, dont il a le brillant et la causticité. Dans « Corot », il joue d'abord le père du peintre, puis Corot lui-même, dans son âge mûr et dans sa vieillesse. C'est l'auteur de la pièce, plutôt une fresque, Jacques Mougenot, qui est Camille jeune. Mougenot, acteur, auteur de « la Carpe du duc de Brienne » (Petit-Montparnasse, 1993), donne avec ce « Corot » un texte qui tient plus du feuilleton que de la pièce de théâtre. Mais après tout, pourquoi ne pas procéder par « tableaux » dès lors qu'il s'agit de ce peintre attachant dont la France vient de célébrer le deuxième centenaire de la naissance par une superbe exposition et force publications savantes ? Mougenot lui-même, d'ailleurs, parle de « tableaux ». C'est la faiblesse du texte : il brosse des scènes quelquefois plus pittoresques que dramaturgiquement nécessaires. Parfois on s'attarde, mais l'action n'avance pas. Jean-Laurent Cochet a aimé ce texte, et le défend avec tant de fougue que l'on ne peut que saluer les performances. Car tout ici, même si tout se donne dans la modestie et l'absence d'arrogance, relève de la performance : trente-deux comédiens sont au rendez-vous ; les décors sont superbes (toiles et panneaux de Marie-Laurence Gaudrat) ; les lumières accordées à l'amour de Corot pour les flots du soleil ou leurs faiblesses (Jacques Rouveyrollis). Tout cela suppose une longue bataille. Et puis le bonheur du jeu. Du compagnonnage. Maître Cochet n'aime que la belle ouvrage. Et comme c'est bien, et comme c'est beau, et comme c'est bon de se laisser porter par cette histoire. Beaucoup de jeunes, ardents, sensibles. Et les comédiens de longue et belle expérience : Liliane Sorval, savoureuse et tonique, Jean Sanvoisin, Elisabeth Capdeville, pour n'en citer que quelques-uns. Saluons le merveilleux Louis Arbessier, délicieux et aigu, qui donne là une leçon de jeunesse et d'intelligence. L'auteur, Jacques Mougenot, joue donc Corot jeune. Il est moelleux, comme nimbé d'enfance. Très juste. Et puis bien sûr, il y a Jean-Laurent Cochet, le regard malicieux parfois, mais débordant d'une telle humanité dans sa présence sur un plateau. Si profond et si délié, si émouvant, si doux dans la détermination de Jean-Baptiste-Camille Corot. Un maître. Un maître comme Corot le fut parfois et qui toucha jusqu'aux plus humbles, tel ce Marchadier auquel Philippe Ivancic donne une belle couleur.

Le quotidien du Médecin, 16 octobre 1996

Le Point

Il en a de la chance, Corot. Après le Grand Palais, le Théâtre 14 : si tous les centenaires étaient fêtés si joyeusement, on en redemanderait.

La pièce évoque la carrière du peintre Camille Corot, dans l'esprit poétique et débonnaire des vues historiques de Sacha Guitry, sans atteindre à la pétulance de son modèle. Mais, sur ce joli texte bien construit, Jean-Laurent Cochet a bâti un spectacle aérien, chaleureux, coloré, restituant, pour le meilleur, le climat d'une veillée de copains unis par une même passion. L'animation de la scène, la beauté des décors en toile peinte (c'est bien le moins...), le chatoiement coloré des costumes, l'entrain communicatif des 32 comédiens rassemblés dans la même ferveur transforment cette évocation un peu simpliste d'un artiste laborieux et paisible en une joyeuse fête du plaisir du théâtre.

P.B.
Le Point, 5 octobre 1996

Le Pélerin Magazine

Après Corot au Grand Palais, voici Corot.... au théâtre ! Une évocation légère, gaie et colorée de la vie du peintre, Camille Corot, né à Paris, en 1796. Trois âges symboliques de l'artiste (25, 50 et 75 ans), trois époques, trois décors.

Dans le magasin de draps de ses parents, le jeune Camille hésite encore sur son avenir. Déjà « mordu » par la peinture, Camille n'a qu'un seul but : aller en Italie où la lumière, si particulière, lui permettra de « cerner au plus près la nature ». Vingt ans plus tard, Corot, artiste reconnu, est décoré de la Légion d'honneur. Dans sa maison de Ville-d'Avray, il reçoit de jeunes peintres, comme Berthe Morisot, avides de conseils du maître. Ce spectacle monté et joué par Jean-Laurent Cochet, entouré d'une trentaine de comédiens, amateurs et professionnels, est un véritable hommage à la création artistique. Un peu simpliste parfois, mais d'un intérêt pédagogique évident.

France Lebreton
Le Pèlerin Magazine 1er novembre 1996

Le Parisien

Le peintre Corot revit sur scène. Monter au théâtre la vie du peintre Jean-Baptiste Camille Corot... Non seulement l'initiative n'était pas commune mais elle était osée. Voilà le genre de mise en scène, se disait-on, qui ne souffre pas la moyenne.

Soit c'est la formule minimale — un personnage, une chaise en paille et une scène vide —, soit la Grosse Bertha budgétivore façon Robert Hossein. C'était compter sans ce vieux briscard de Jean-Laurent Cochet qui propose au Théâtre 14 à Paris, tout près de la porte de Vanves, une formule intermédiaire tout à fait réussie. Certes, il y a du monde sur scène : trente-deux acteurs, dont Cochet et ce n'est pas rien. Certes, les lumières sont conduites par une star des éclairages, Jacques Rouveyrollis. Certes les costumes, superbes, reprennent à l'identique ceux des modèles de Corot (la reconstitution, notamment, de la robe de « la Dame en bleu » est époustouflante). Et certes, enfin, il a fallu mobiliser les services de studios spécialisés pour des décors qui, s'ils ne font pas dans l'invention, font au moins dans l'efficace. Déjà un succès. Mais tout ceci ne contribue jamais à faire assaut de démesure. On aime au contraire le fond de modestie qui s’en dégage et qui vient servir pile poil un texte alerte et percutant écrit par Jacques Mougenot. Débutée il a une dizaine de jours, la pièce est déjà un succès. C'est plein, on y rit et on applaudit à la fin longuement et chaleureusement. Jean-Laurent Cochet compte pour beaucoup dans ce triomphe. L'acteur et metteur en scène, qui campe le père de Corot, puis Corot à l'âge mûr et pour finir Corot à la fin de sa vie, emballe d'entrée la machine avec une façon de jouer nourrie d'une bonne dose d'humour et surtout d'une grande tendresse. Certaines répliques lui fournissent au passage matière à quelques effets trampoline. « Fais-nous ton portrait, dit le père de Corot à son fils. Si c'est réussi on saura qui en est l'auteur ; si c'est raté, on saura qui est le modèle ! » Mais dans cette affaire il n'y a pas que Cochet. Toute la troupe est à la hauteur de l'entreprise et ce « Corot » fournit la preuve qu'on peut faire, aujourd'hui, un théâtre qui rassemble tous les publics en leur faisant partager le même plaisir.

Pierre Vavasseur
Le Parisien, 27 septembre 1996

Le Figaro

Rien que de la bonne humeur ! Une pièce sur Corot, fichtre ! Corot (1796-1875), c'est le peintre des maturations lentes et réfléchies. Un rêveur bourru et doux, avec des audaces de timide.

Contrairement à Delacroix ou Degas, qui sont des casseurs d'assiettes à gilets brodés et à fines moustaches, le Bon Papa Corot (comme l'appellera François Coppée) fut, toute sa vie, un homme en blouse de paysan. Un promeneur solitaire, sérieux, épris de quiétude et d'ombrages, peu enclin aux coups d'éclat de salons, au drame, au grabuge. Un laboureur artiste avec un chapeau de paille et des brodequins. La pièce de Jacques Mougenot, construite en trois époques, comme une fresque à la Sacha Guitry, ne manque pas d'agrément. On est peu à peu gagné par l'enthousiasme et la fraîcheur d'un théâtre d'amateurs, dans le meilleur sens du terme. A l'exception de Louis Arbessier, encore plus cabot que cabossé, à quatre-vingt-dix ans sonnés, les nombreux comédiens qui se succèdent dans des emplois divers sont dans l'ensemble très jeunes et inexpérimentés. Certains sont très bien : Cécile Arnaud, Elisabeth Capdeville (dans un emploi de Dorine) et surtout Philippe Ivancic dont la sincérité nous touche. D'abord, on nous montre le jeune Corot, encore hésitant sur son avenir, dans la boutique de draps de ses parents, amoureux d'une jeune fille, mais déjà subjugué par sa vocation. Dans la première partie du spectacle, c'est Jacques Mougenot lui-même qui joue Corot jeune, accomplissant le pèlerinage à Rome et s'affranchissant de l'académisme. Jean-Laurent Cochet prête sa bonhomie à M. Corot père, drapier ; dès qu'il paraît, tout flambe, tout pétille. Ensuite, Jean-Laurent Cochet reprend le rôle de Corot dans sa maturité. Là, on est moins convaincu. On voit un beau parleur, léger, gai, fringant, spirituel. Par endroits, il s'amuse, il s'enchante, il papote ; il cède à l'effusion devant les beautés de la nature. Ce n'est plus Corot qui médite, c'est Lamartine qui se pâme devant son public. De son côté, Corot n'était pas si désireux de nous émouvoir. « Je peins une poitrine de femme tout comme je peindrais une vulgaire boîte à lait », disait-il avec prosaïsme. Corot n'est pas un poète ; c'est un peintre qui se soucie d'abord de formes et de valeurs lumineuses ; il ne fait pas de sentiment et se moque bien de plaire. Cochet, qui écoute son tempérament, feint de l'oublier, avec une mélancolie de fumeur de pipes. Tout cela n'est pas bien grave. Les tableaux peints par Marie-Laurence Gaudrat sont ravissants. Et, même si l'on ne reconnaît pas Corot dans ce joyeux drille, on passe une gentille soirée.

Frédéric Ferney
Le Figaro, 27 septembre 1996

La Nouvelle Vie Ouvrière

En cette année du bicentenaire de la naissance de Camille Corot, un jeune comédien, Jacques Mougenot, auteur confirmé, a réalisé une fresque ambitieuse et didactique avec ferveur sur le célèbre peintre.

Il illustre en huit tableaux et avec la participation de trente-deux comédiens, la vie et l'œuvre de Corot à différents moments de son expérience créatrice parfois contrariée et finalement triomphante, selon l'infinie consécration de la postérité. Témoin, cette pièce comme on n'en fait plus, sauf Sacha Guitry avec ses Franz Hals, La Fontaine et Pasteur. Le spectacle, car c'en est un, assez extraordinaire, jalonné de reproductions de maints tableaux du maître, se déroule dans la gaîté et aussi la mélancolie, la tendresse et la passion, expliquée, de la peinture, d'épisodes de l'apprentissage (Corot à 25 ans interprété par l'auteur), à la reconnaissance publique : Corot à 50 ans, tel que le joue Jean-Laurent Cochet, qui assure aussi la mise en scène avec une maîtrise de chef d'équipe et un plaisir évident qu'il sait faire partager.

Roger Maria
11 octobre 1996

La Terrasse

COROT La passion de la nature à la manière de... Précurseur de l'impressionnisme, Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) nous apparaît dans la vigueur de la jeunesse, vaguement maladroit aux dires de ses proches.

Il est incarné par l'auteur en personne : Jacques Mougenot, dans une comédie sympathique et allègre menée par Jean-Laurent Cochet : "Qu'il peigne et tant mieux si cela le dégoûte de la peinture !" lance-t-il en guise d'encouragement (!) à l'adresse de ce fils à qui il accorde une petite rente pour jouer avec ses pinceaux sans penser à aucun moment que grandit en lui la fibre artistique. Ce père totalement réfractaire à l'art finira par reconnaître tardivement les talents du fiston et pour les besoins de la mise en scène s'empare de son rôle pour interpréter le Corot quinquagénaire de la deuxième époque. Voici une comédie divertissante truffée de clins d'oeil, de bons mots, de soupirs, qui à la manière d'une fresque historique reconstitue la vie de ce peintre célibataire, célèbre pour ses cieux et son talent à rendre vivant le moindre paysage. Revendiquant toujours sa passion pour la nature, ce virtuose de la couleur, écologiste avant l'heure, sut retranscrire cette lumière qui éclaire les cieux italiens et nos paysages français. Entouré d'une grande palette de comédiens, Jean-Laurent Cochet a misé sur la convivialité pour aller au devant d'un public qui s'amuse, applaudit et en redemande. Il connaît les ficelles du métier et en use sans parcimonie. Jacques Mougenot a construit un spectacle qui se laisse voir avec plaisir. Le public se divertit et l'encourage. Nous suivons au jour le jour l'évolution du peintre depuis le renvoi de l'ex-drapier qu'il fut jusqu'à la consécration de l'artiste et sa reconnaissance vingt-cinq ans plus tard. Chaque tableau nous fait découvrir un aspect biographique nouveau, par petites touches son portrait se précise. Nous le surprenons même en plein délit de faux alors qu'il appose sa signature désormais célèbre pour venir en aide à un jeune disciple. Récompensé par le premier prix de la Fondation Charles Oulmont décerné par la Fondation de France, Jacques Mougenot est devenu auteur de théâtre et s'est entouré de Marie Laurence Gaudrat pour concevoir des décors qui nous plongent dans un atelier tel qu'on se l'imagine.

M.C.
La Terrasse - Le mensuel des rendez-vous de la Culture
Octobre 1996

La Jaune et la Rouge

Jouvet note quelque part qu'il n'y a pas de grand théâtre sans générosité, sans mutuelle affection, ni de grands auteurs sans émoi, sans pudeur, sans tendresse. Mesurés à cette aune. et Jouvet sait de quoi il parle, la pièce Corot est du grand théâtre, et Jacques Mougenot, qui l'a écrite, un grand auteur.

De quoi s'agit-il ? De faire revivre aux spectateurs une succession d'instants de la vie de Corot : de l'apprenti drapier, couvrant de dessins les marges des livres comptables de son patron ; de l'adolescent renonçant à l'amour d'une jeune fille pour apprendre à peindre les ciels et la lumière d'Italie ; du peintre confirmé, tout étonné que Louis-Philippe le fasse décorer de l'ordre royal de la Légion d'honneur, mais bien content de la chose, parce que cela fait tant de plaisir à ses parents âgés, avec qui il vit à Ville-d'Avray ; du peintre exposant au Salon, en pleine révolution de 1848 dont il se fiche tout à fait ; du vieil artiste si attentif aux jeunes peintres désargentés qu'il les comble de conseils gratuits et, qui plus est, n'hésite pas à signer de son nom, à leur insu, certaines de leurs toiles pour qu'elles se vendent. Jean-Laurent Cochet dans le rôle du père de Corot, puis dans celui de Corot lui-même, l'auteur Jacques Mougenot dans le rôle du peintre au temps de ses apprentissages, entourés d'une trentaine de jeunes comédiens enthousiastes et compétents, nous auront fait vivre un grand moment de théâtre – et d'histoire de la peinture aussi. La salle tour à tour se mouche et rit aux éclats, tant le texte sait alterner émotion et cocasserie. La mise en scène de Cochet, pleine de trouvailles, contribue à la fête. On pense par moments aux inventions d'Orion le tueur – les vieux amateurs de théâtre sauront de quoi je parle – quand, par exemple, un orme arrive en marchant pour prendre sa place sur scène et que, quelqu'un voulant en cueillir une feuille, une main sort de l'arbre pour la tendre. On se réjouit encore en écoutant deux amateurs de peinture venus au Salon admirer des Corot. Ils débitent des âneries extatiques devant un tableau, pour s'apercevoir ensuite qu'il ne s'agit pas d'un Corot – Aussi je me disais bien... fait l'un d'eux – puis se précipiter dehors parce qu'ils ont reconnu Flaubert, qu'ils ne veulent pas manquer non plus. Avant de partir, ils donnent pourtant leurs noms au gardien afin qu'il fasse part de leur visite à M. Corot. L'un s'appelle Bouvard, l'autre Pécuchet. Tout est de cette veine, pleine de malice et de culture. J'aurai assisté, hélas, à l'une des dernières représentations. C'est égal, la prochaine fois qu'on jouera du Mougenot, courez-y.

Philippe Oblin
La jaune et la rouge (Journal des Anciens élèves de l’X)
Mars 1997

L'Avant-Scène

Trente-deux acteurs sur la petite scène du théâtre 14, c'est la gageure que Jean-Laurent Cochet tient pour montrer qu'on peut faire du théâtre avec peu d'argent.

Il met en scène et joue le rôle de Monsieur Corot, puis de Corot (Camille) mûr. Peu d'accessoires, mais de très jolis costumes (les robes de la Dame en bleu et de Madame Corot sont signées Claude Barré, et les ateliers de l'ATEC ont réalisé les autres). La vie du peintre se déroule comme un documentaire, sans failles, en séquences courtes, bien rythmées, et des répliques piquantes. La troupe de jeunes comédiens, la prestation de Louis Arbessier, et de l'auteur lui-même en Corot jeune, contribuent à rendre la soirée agréable.

Danielle Dumas
15 novembre 1996 - N° 998

France Soir

Pour évoquer le peintre Corot, Jacques Mougenot nous propose une fresque. C'est bien le moins. Une fresque en trois époques, rassemblant trente-deux comédiens ! Jacques Mougenot est un jeune auteur de talent.

Sa première pièce, « La Carpe du duc de Brienne », a été présentée au Petit-Montparnasse il y a trois ans. On retrouve ici ses qualités de dialoguiste et son incontestable sens du théâtre. Il a choisi, pour raconter la vie de Corot, le parti de la légèreté et de la fantaisie, un peu à la façon d'un Guitry. Il « couvre » sa vie entière, de l'adolescence jusqu'à la mort, mêlant les personnages réels et les autres, ceux inventés pour habiller une scène amusante ou triste, une réplique émouvante, un mot drôle. Tout cela est fort bien mené, malgré deux ou trois longueurs dans la première partie. Jean-Laurent Cochet interprète le père du peintre, puis Corot lui-même. Il a beau être entouré de trente et un comédiens, il est seul en scène. Sa présence et son magnétisme sont tels que certains de ses comparses en arrivent à jouer comme lui, avec ses intonations et ses regards. Il est éblouissant d'intelligence, pétillant de finesse et de drôlerie. Il a l'amour de la belle ouvrage, cela se sent. Il fignole, se régale d'un mot, comprend tout, voit tout, et nous le restitue. Son bonheur d'être en scène irradie. Un joli spectacle, dont on oublie vite les quelques réserves pour ne se souvenir que de ce rare interprète.

22 octobre 1996

Figaroscope

On ne pensait pas qu’un peintre comme Corot pouvait inspirer un auteur jusqu’à en faire une pièce de théâtre. Pourtant Jacques Mougenot s’est lancé dans l’aventure.

Mêlant réalité et fiction. A juste titre puisque Corot a idéalisé la femme jusqu’à en faire un mythe. Et qu’il n’a rien d’un héros.

18 septembre 1996

Madame Figaro

HOMMAGE À COROT Jacques Mougenot est un auteur plein de talent et d'esprit, il a écrit pour le Théâtre 14 Jean-Marie-Serreau « Corot », spectacle monté par Jean-Laurent Cochet avec trente-deux comédiens.

Cette comédie colorée et tendre nous fait découvrir les doutes et les angoisses de la création artistique. Jean-Laurent Cochet sait être intelligent, léger, tendre et drôle, il faut dire qu'il s'y connaît : Gérard Depardieu, Fabrice Luchini, Isabelle Huppert ont été ses élèves. Hommage à un grand peintre, cette pièce est aussi une chronique historique et quotidienne. L’on y voit Corot à trois époques différentes de sa vie, trois âges symboliques : vingt-cinq, cinquante et soixante-quinze ans. Le drap ou la toile, la peinture et le mariage, l'Italie, le Salon de 1848, Ville-d'Avray, l'art et le commerce et la dame en bleu. Un vrai spectacle, un cri d'amour pour le théâtre.

12 octobre 1996

Famille Chrétienne

Un théâtre en quatre dimensions. D’où vient cette «résonance», qui reste à l'esprit au sortir du théâtre Daunou, où se joue le Corot, écrit par Jacques Mougenot, mis en scène par Jean-Laurent Cochet ?

Il y a plus que la vie lumineuse d'un peintre, fut-il l'un des plus grands du XIXe siècle. Plus que le jeu des acteurs, eussent-ils le talent de Jean-Laurent Cochet. Est-ce la finesse et l'humour du texte, l'ampleur de l'interprétation ? Il me fallait en avoir le cœur net ! Un long déjeuner avec Jacques Mougenot m'a éclairée. Une petite quarantaine, une stature imposante, un regard pénétrant, un sourire réservé... Derrière, se perçoit cette « quatrième dimension » si palpable à la scène. Il a écrit Corot en hommage à ce « Maître », dont « les conseils en peinture valent pour tous les arts ». Très lentement « pour que ça mûrisse, que ça vienne de moi », et gratuitement, « je n'avais pas de contrainte de jeu, de comédiens, de décors, je ne pensais pas qu'on jouerait ça un jour » : il l'offrait pour son anniversaire à son maître Jean-Laurent Cochet, dont il est l'assistant et certainement un peu l'héritier spirituel. Un concours de rencontres a permis de la monter. « C'était une aventure de foi à tous niveaux. » Jacques retrouve dans les toiles de Marie Laurence Gaudrat l'esprit de Corot... et celle-ci accepte de réaliser les huit décors pour l'amour de l'art ! Les trente-deux comédiens (dont nombre d’élèves de Jean-Laurent Cochet) s'engagent sans savoir s'ils pourront être payés. Lui-même abandonne ses droits d'auteur, Jean-Laurent Cochet ceux du metteur en scène. Mais surtout, il a retenu de Corot cette grande leçon : être homme avant d'être artiste. « J'ai mis dans cette pièce tout ce que j'ai vécu depuis douze ans. » A l'école de Corot, il essaie de cultiver « les vraies vertus de l'artiste » : simplicité... humilité... amour de la vérité... Il apprend de lui un certain sens de la poésie : « Pas une poésie gratuite, mais comme une surconscience du réel. Corot a tellement observé ce qu'il a peint, qu'il en dégage une vérité plus profonde et plus exigeante que la surface. Il peint la lumière, la profondeur de l'être ». Et il retient de lui ce secret : « Il faut développer l'oreille, cette écoute, cette attention au monde, cet effacement de l'interprète devant la création, qui permet d'en saisir l'harmonie... Aujourd'hui, les raisonnements tuent la résonance ! ».

Sabine Chevallier
11 décembre 1997