TRÈS CHOUETTE !
Avis aux sceptiques, persuadés que cette querelle d'insectes est juste bonne à amuser les petits z'enfants lors d'un goûter d'anniversaire. Voici du biscuit nouveau, à se mettre sous la dent pour démarrer l'année !
Inutile de tourner autour du mot : maître François Mougenot, sur la scène du Petit Hébertot perché, nous offre l'un des spectacles les plus juteux du moment. Il fallait une bonne dose de culot et l'esprit fécond pour tenir en son bec l'immémoriale fable de La Fontaine, la décliner à tous les temps et sur tous les tons à la manière de nos plus grands auteurs. Pas du genre à compter, le père Mougenot s'est amusé à écrire un recueil de quarante pastiches (éd. Edite 2006), qui devrait être distribué dans tous les collèges.
Détournant des scènes fameuses de Molière ("La Fourmisanthrope"), Rostand ("Cygalo de Bergerac"), Racine ("Cigallicus"), sans oublier Feydeau, Du Bellay, Beaumarchais, Hugo, Prévert, Verlaine, Apollinaire, Ronsard, Rimbaud, Baudelaire, Lamartine..., le voilà qui déploie son étourdissante verve de pasticheur. Et que je te mixe les genres et les styles, triturant au passage les codes des séries télé ("Columbo", "Les feux de l'amour"), avant de décaper le tout à l'irrévérrence ! Le procédé en lui-même et sa répétition risquaient d'être lassants. Erreur : diversité des styles, des caractères et des époques, musicalité des textes et finesse stylistique tout est solidement pensé pour faire mouche.
Exemple de remontrance (façon Audiard) de la fourmi flingueuse à l'insouciante cigale : « Y’a six mois, quand l'thermomètre s'affichait franco tendance tropique, tu chantais les « Noces de Cigalo » chez Madame Butterfly.. Moi, pendant ce temps-là, j'ai tellement turbiné que j'ai les glandes sudatoires en dépassement de forfait ! » Une vraie source de jouissance auditive ! Abasourdis par tant de dextérité, les spectateurs amusés se concertent, testant leur connaissance du patrimoine culturel national. Bien plus qu'un chapelet de pastiches littéraires, c'est véritablement une pièce de théâtre en hommage aux auteurs qui ravit le spectateur.
Une chose est sûre : entre François Mougenot et la langue française, c'est une étreinte toujours fertile. Délurée, joyeuse, menée staccato par l'auteur, campant la fourmi, et son frère Jacques Mougenot dans le rôle de la cigale (par ailleurs, auteur des couplets musicaux et metteur en scène du spectacle), cet exercice de transformisme verbal suscite rire et réflexion. De quoi subsister jusqu'à la prochaine saison...