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« L’affaire Dussaert » ou la pédagogie de l’invisible.

Après le rire, l’extase de la danse, les dénonciations de la corruption, les introspections individuelles ou collectives, l’observation du monde, les grands classiques, les tragédies du passé, les audaces contemporaines du In d’Avignon, les excès de vins rosés et de bière, vient enfin le besoin, et la nécessité, de se caler dans un fauteuil. Se caler pour mieux se pencher sur l’évocation de faits divers destinés à nous édifier.

C’est avec le souci de faire reculer l’ignorance et de titiller son esprit critique que le public se rend au théâtre « Les 3 soleils » pour assister à l’évocation de l’affaire Dussaert. Pour ceux qui ont un peu de mémoire, cette affaire concerne un peintre français mort dans les débuts de la quarantaine. Cette affaire, aussi célèbre que les pinceaux de Fernand Legros, a fait trembler le monde de l’art contemporain et la sphère artistique dans son ensemble. Les implications de l’affaire Dussaert ont failli faire voler en éclat pléthore de consensus et bon nombre d’institutions culturelles.
Tout le monde se souvient de la réaction des artistes Dada au début du XXème siècle qui, ulcérés de se voir accuser de « faire n’importe quoi », ont décidé de faire de l’expression « n’importe quoi » l’étendard de leur liberté créatrice (voir sur ce point l’admirable ouvrage de Thierry de Duve « Au nom de l’art. Pour une archéologie de la modernité » Minuit, Paris, 1989). Eh bien, l’affaire Dussaert relate le coup de poing d’un créateur, chef de file de son propre mouvement, qui a décidé de pousser les limites de l’art et de l’œuvre d’art au-delà du champ visible. Le basculement dans le conceptuel indicible et invisible a été si habilement mené par Philippe Dussaert que les plus grandes institutions artistiques de la planète (dont le MOMA), les plus grands galeristes, les plus grands critiques, et jusqu’à l’Etat français lui-même, ont perdu repères et sang froid.

Jacques MOUGENOT est entré au cœur de la mécanique qui a failli faire éclater le monde de l’art. Les arcanes sont multiples. Les enjeux sont énormes. Le sujet est philosophique, financier, sociétal. Le travail de Jacques MOUGENOT a été colossal. Pourtant sur scène, notre enquêteur n’est venu qu’avec quelques dossiers, un ouvrage sur cette affaire et des photographies sidérantes et évocatrices de la présence d’un germe dans l’œuvre de Dussaert, germe qui ne pouvait que conduire au chaos.

Jacques MOUGENOT est brillant. Il connaît son sujet. Il en a évité les chausse-trapes. Il a su garder de la distance avec les artistes et les commissaires priseurs. Surtout, il possède le talent d’expliquer avec clarté une affaire complexe dans une sphère elle aussi complexe. Jacques MOUGENOT est à l’aise. Il faut dire qu’il a enquêté de nombreuses années sur cette affaire. Elle est même devenue un fragment de son histoire personnelle.

Jacques MOUGENOT capte immédiatement l’attention du public. On devine, que dans la salle, certains blêmissent en songeant à la petite folie qui les a conduits à acquérir une œuvre à la FIAC. D’autres semblent enfin trouver doux le sort qui les a faits pauvres et incapables de pouvoir s’offrir de l’art contemporain. Plus Jacques MOUGENOT parle, bouge, dévoile et expose son sujet, plus le public entre dans une sorte d’introspection méditative. Cette plongée du public dans un monde médusé se comprend aisément car en écoutant Jacques MOUGENOT, on devine vite en quoi cette affaire Dussaert aura été une bombe. Jacques MOUGENOT nous interpelle sur les notions de valeur, d’esthétique, de sincérité, d’audace. Jacques MOUGENOT nous fait percevoir l’invisible qui tout autour de nous dessine des mondes inconnus, inexplorés, bref invisibles sauf pour Philippe Dussaert.

L’art de Jacques MOUGENOT est de nous faire rire au milieu de cette mise en abîme conceptuelle. L’affaire Dussaert se révèle un puissant concentré de vitamines qui titille nos neurones et nous conduit à vouloir en savoir plus. Jacques MOUGENOT aime son public et il ne l’abandonnera pas au terme de l’exposé de l’affaire Dussaert. Bien au contraire, il nous donnera tous les éléments pour nous faire avancer plus vite dans notre désir de nous frotter à l’art contemporain et à cette affaire Dussaert. Les conseils de Jacques MOUGENOT vous feront gagner un bon quart d’heure dans vos premiers pas vers la recherche de la vérité sur le monde, sur vous, sur Dussaert et le don d’invisibilité.

Bravo et merci Jacques pour cette com/conf (comédie/conférence) réussie !

Fred Lecoeur

L’affaire Dussaert est exposée à 17h20 au théâtre les 3 soleils, dans le cadre du Off d’Avignon, jusqu’au 29 juillet 2018.

 

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